L’idée d’investissement factoriel séduit de nombreux investisseurs, car elle promet d’apporter une précision scientifique aux marchés financiers. En identifiant les raisons pour lesquelles certaines actions surpassent d’autres, cette approche semble attrayante. Toutefois, après plusieurs années de résultats décevants, les chercheurs réalisent que le véritable problème ne réside pas dans les données elles-mêmes, mais dans la construction des modèles.
Une étude récente met en lumière une notion inquiétante : de nombreux modèles d’investissement confondent correlation et causalité, engendrant un mirage factoriel. Cette confusion pourrait expliquer pourquoi tant de fonds d’investissement n’ont pas atteint les performances escomptées.
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Les fondements de l’investissement factoriel
À l’origine, l’investissement factoriel repose sur une théorie élégante. Les marchés récompenseraient l’exposition à certains risques ind diversifiables, tels que la valeur, le momentum, la qualité et la taille. Ces éléments sont censés expliquer pourquoi certains actifs se distinguent par leur performance supérieure. Depuis, des trillions de dollars ont été investis dans des produits financiers basés sur cette idée.
Les résultats décevants des modèles
Cependant, les données racontent une histoire moins glorieuse. Par exemple, l’indice Bloomberg–Goldman Sachs US Equity Multi-Factor, qui suit la performance à long terme des styles classiques, affiche un ratio de Sharpe de seulement 0,17 depuis 2007, ce qui est proche de zéro avant les coûts. En d’autres termes, l’investissement factoriel n’a pas généré la valeur escomptée pour les investisseurs, entraînant une perte de confiance parmi les gestionnaires de fonds.
Les erreurs de modélisation et leurs conséquences
La critique traditionnelle des résultats médiocres se concentre sur la surenchère de tests rétrospectifs, aussi connue sous le nom de p-hacking. Les chercheurs extrairaient du bruit jusqu’à ce qu’il ressemble à un alpha. Bien que cette explication soit pertinente, elle demeure incomplète. Une recherche récente de l’ADIA Lab, publiée par la CFA Institute Research Foundation, révèle une faille plus profonde : la misspecification systématique des modèles.
La plupart des modèles d’investissement sont élaborés selon un cadre économétrique traditionnel, utilisant des régressions linéaires et des tests de signification qui confondent l’association avec la causalité. Les manuels d’économétrie enseignent que les régressions doivent inclure toute variable associée aux rendements, indépendamment de son rôle dans le mécanisme causal.
Les implications de la confusion entre corrélation et causalité
Cette situation révèle une erreur méthodologique. L’inclusion d’une collide (une variable influencée à la fois par le facteur et les rendements) ou l’exclusion d’un confounder (une variable influençant à la fois le facteur et les rendements) fausse les estimations des coefficients. Une telle distorsion peut inverser le signe d’un coefficient de facteur, incitant ainsi les investisseurs à acheter des titres qu’ils auraient dû vendre. Même si tous les primes de risque sont stables et correctement estimées, un modèle mal spécifié peut entraîner des pertes systématiques.
Vers une approche plus rigoureuse
Le phénomène du zoo factoriel est bien connu, avec des centaines d’anomalies publiées qui échouent lors des tests hors échantillon. Les chercheurs de l’ADIA Lab soulignent un problème plus subtil mais préoccupant : le mirage factoriel. Ce dernier ne résulte pas du data mining, mais des modèles mal spécifiés, malgré le respect apparent des méthodes économétriques. Les modèles incluant des colliders présentent souvent un R² plus élevé et de faibles p-values, induisant en erreur les chercheurs qui privilégient les ajustements au détriment de la véracité.
Pour que l’investissement factoriel puisse réaliser son potentiel scientifique, il est essentiel d’abandonner les habitudes ayant conduit à ces illusions. Le passage d’une description phénoménologique des modèles à une explication causale constitue une étape cruciale. Cela pourrait marquer un tournant, permettant à l’investissement quantitatif de devenir non seulement systématique, mais véritablement scientifique.
En somme, la finance doit apprendre à intégrer le raisonnement causal, comme l’ont fait d’autres disciplines telles que la médecine, l’épidémiologie ou l’analyse politique. L’objectif n’est pas de rechercher une pureté scientifique, mais plutôt une fiabilité pratique. Un modèle causal permet d’identifier les véritables sources de risque et de rendement, offrant ainsi aux investisseurs la possibilité d’allouer efficacement leur capital.
