Le secteur de la gestion des investissements connaît une transformation majeure, en grande partie due à l’émergence de l’intelligence artificielle (IA). Les agents d’IA sont progressivement intégrés dans les activités quotidiennes des gestionnaires de portefeuille, des analystes et des responsables de la conformité. Pourtant, de nombreuses entreprises peinent à définir clairement la nature de l’intelligence qu’elles mettent en œuvre.
Les systèmes d’IA dits agentiques vont bien au-delà des simples modèles de langage, tel que ChatGPT. Contrairement à une interaction basique de question-réponse, ces agents ont la capacité d’observer, d’analyser et parfois d’agir au nom d’un humain, dans des limites définies. Les sociétés d’investissement doivent désormais déterminer si ces outils doivent servir de soutien à la décision, d’analyste de recherche autonome ou de trader délégué.
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Les défis de l’adoption de l’IA
L’adoption de l’IA dans les entreprises d’investissement offre l’opportunité de définir des frontières et des règles de gouvernance pour ces outils. Si une entreprise ne parvient pas à classer son IA, elle ne pourra pas la gouverner ni l’étendre efficacement. C’est dans ce contexte que notre équipe de recherche, en collaboration avec l’Université DePaul et Panthera Solutions, a élaboré un système de classification multidimensionnel pour les agents d’IA dans la gestion des investissements. Cet article s’inspire d’un travail académique intitulé Un système de classification multidimensionnel pour les agents d’IA dans l’industrie de l’investissement, récemment soumis à une revue par les pairs.
Ce système fournit aux praticiens, aux conseils d’administration et aux régulateurs un langage commun pour évaluer les systèmes agentiques en fonction de leur autonomie, de leur fonction, de leur capacité d’apprentissage et de leur gouvernance. Les dirigeants du secteur financier disposeront ainsi d’une meilleure compréhension des étapes nécessaires pour élaborer une taxonomie de l’IA et établir un cadre de cartographie des agents d’IA utilisés dans leur entreprise.
Une stratégie claire pour l’IA
Sans une taxonomie partagée, les entreprises risquent de surestimer ou de sous-utiliser une technologie qui modifie déjà profondément l’allocation des capitaux, ce qui pourrait entraîner des complications futures. L’objectif d’une taxonomie de l’IA ne doit pas être de freiner l’innovation, mais plutôt de permettre aux entreprises de formuler clairement le problème que l’agent résout, qui en est responsable et comment les risques liés aux modèles sont atténués. En l’absence d’une telle clarté, l’adoption de l’IA devient davantage tactique que stratégique.
Approches de l’IA dans la gestion des investissements
Actuellement, les gestionnaires d’investissements envisagent l’IA de deux manières distinctes : comme un ensemble fonctionnel d’outils ou comme un élément intégré au processus décisionnel. L’approche fonctionnelle se concentre sur l’utilisation de l’IA pour le scoring des risques, l’extraction des sentiments via les traitements du langage naturel, et des outils d’assistance qui résument les expositions de portefeuille. Bien que cela améliore l’efficacité et la cohérence, cela ne modifie pas l’architecture décisionnelle fondamentale de l’entreprise, qui reste centrée sur l’humain, l’IA jouant un rôle secondaire.
En revanche, un nombre croissant d’entreprises choisissent d’adopter l’IA de façon systémique. Elles intègrent des agents d’IA directement dans le processus de conception des investissements, les considérant comme des participants adaptatifs plutôt que comme de simples outils auxiliaires. Dans ce modèle, l’autonomie, la capacité d’apprentissage et la gouvernance sont clairement définies, transformant l’entreprise en un écosystème décisionnel où le jugement humain et le raisonnement machine coexistent et coévoluent.
Une synergie entre l’humain et l’IA
Cette distinction est primordiale. L’adoption axée sur les fonctions entraîne des outils plus rapides, tandis que l’adoption systémique forge des organisations plus intelligentes. Bien que les deux approches puissent coexister, seule la seconde offre un avantage comparatif durable. Comme l’a souligné le neuroscientifique Antonio Damasio, toute intelligence cherche à atteindre l’homéostasie, un équilibre avec son environnement. Les marchés financiers, en tant que systèmes adaptatifs complexes, doivent également maintenir cet équilibre entre données et jugement, automatisation et responsabilité, profit et durabilité planétaire.
Un cadre intelligent pour l’IA devrait ainsi refléter cette écologie en cartographiant les agents d’IA selon trois dimensions orthogonales : le processus d’investissement, l’avantage comparatif et la complexité. Chaque agent doit fonctionner à différents niveaux d’incertitude, allant des risques mesurables à l’ambiguïté radicale. À l’approche de réglementations futures comme l’EU AI Act, une taxonomie qui lie ces exigences à des leviers de gouvernance pratiques sera considérée comme une meilleure pratique.
La nature adaptative de la finance exige une intelligence augmentée et des systèmes conçus pour renforcer l’adaptabilité humaine plutôt que de la remplacer. Les humains apportent le jugement contextuel, le raisonnement éthique et la capacité de sens, tandis que les agents assurent échelle, rapidité et cohérence. Ensemble, ils améliorent la qualité décisionnelle, qui reste le principal indicateur de performance dans la gestion des investissements.
