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Selon Le Canard enchaîné, les clauses de silence dans le groupe Bolloré la critique journalistique

L’hebdomadaire satirique décrit un système contractuel qui, à travers des clauses de non-dénigrement, aurait pour effet de museler durablement les anciens journalistes des médias contrôlés par Vincent Bolloré.

Dans un article publié le 9 juillet, Le Canard enchaîné affirme que des clauses de silence seraient systématiquement imposées aux journalistes quittant les rédactions du groupe Bolloré. Selon l’hebdomadaire, cette pratique transformerait en profondeur le rapport à la parole critique dans un paysage médiatique de plus en plus concentré.

Depuis près de dix ans, ces clauses auraient accompagné 500 départs négociés dans des titres comme Canal+, Europe 1, le Journal du Dimanche, iTélé ou Paris Match. Le Canard enchaîné explique que ces engagements iraient bien au-delà de la confidentialité professionnelle habituelle, interdisant à leurs signataires toute critique publique visant le groupe Bolloré, ses dirigeants, ses filiales ou ses collaborateurs, sans limite de durée.

« Une loi du silence d’un genre assez particulier », écrit le journal satirique, qui dit avoir pu consulter plusieurs de ces contrats. Dans l’un d’eux, une ancienne salariée s’engagerait à ne « rien dire, suggérer ou entreprendre qui puisse porter atteinte à l’image ou à la considération d’Europe News et/ou des sociétés du groupe Lagardère ». D’autres formulations, selon Le Canard, élargiraient ces obligations à l’ensemble des entités du groupe Canal+.

Ce qui aurait pu apparaître au départ comme une mesure exceptionnelle serait devenu, d’après Le Canard enchaîné, une pratique généralisée. L’hebdomadaire décrit une banalisation progressive de ces clauses à mesure que les rédactions changeaient de ligne éditoriale ou d’organisation. Leur portée se serait également étendue, tant en durée qu’en champ d’application. Le Canard écrit ainsi que « les clauses portées par le milliardaire breton ont un champ d’application et une durée illimitée qui donnent le tournis ».

Pour Le Canard enchaîné, cette contractualisation du silence constituerait une nouvelle forme de contrôle de la parole. Plutôt qu’une censure directe, le journal y voit un verrouillage préventif, juridiquement encadré, de toute expression critique. En contrepartie d’une indemnité de départ, la possibilité de prise de parole s’éteindrait, parfois même bien au-delà du journalisme.

L’hebdomadaire publie plusieurs témoignages anonymes allant dans ce sens. Un ancien salarié, devenu écrivain, s’interrogerait : « Que va-t-il m’arriver si je parle du groupe Bolloré alors que mon éditeur a été racheté entre-temps ? » Une autre ex-journaliste, également citée par Le Canard, confierait : « En réalité, tu as encore moins de liberté en dehors des médias de Vincent Bolloré que dedans ».

Le procès de Jean-Baptiste Rivoire est présenté comme un exemple représentatif de la politique de l’empire Bolloré. Ancien cadre de Canal+, Mr Rivoire a pris par en 2021 à un documentaire intitulé Le Système B – L’information selon Bolloré. L’année dernière, il a été condamné par les prud’hommes de Boulogne-Billancourt à rembourser 151 500 euros d’indemnités. Selon Le Canard, les juges auraient considéré que « sa liberté d’expression s’arrêtait à la clause qu’il avait signée ».

Me Vincent Brengarth, avocat de Jean-Baptiste Rivoire, aurait dénoncé une « prédation contractuelle ». À ses yeux, ces clauses protégeraient non seulement une entreprise, mais l’ensemble d’un conglomérat aux multiples ramifications. Le Canard enchaîné voit dans cette stratégie un précédent inquiétant : celui d’une critique journalistique neutralisée avant même d’être formulée.

Dans un contexte de concentration croissante des médias, Le Canard enchaîné s’interroge : la stratégie du groupe Bolloré pourrait-elle inspirer d’autres acteurs ? Selon l’hebdomadaire, la censure ne passerait plus par la coercition directe, mais par des instruments contractuels juridiquement légaux — et redoutablement efficaces.