Dans le domaine économique, la myopie d’entreprise est un sujet de débat récurrent. Ce terme fait référence à la tendance des entreprises à privilégier des résultats à court terme, souvent au détriment d’une vision stratégique à long terme. Les rapports financiers trimestriels sont souvent pointés du doigt comme responsables de cette focalisation, car ils incitent les dirigeants à se concentrer sur des objectifs immédiats pour répondre aux attentes des investisseurs.
Il est légitime de se demander si une réduction de la fréquence de ces rapports pourrait favoriser une prise de décision plus réfléchie à long terme, ou si cela compromettrait la transparence et l’efficacité du marché. Dans cette perspective, il est essentiel d’explorer les conséquences d’un éventuel changement dans la fréquence des reporting.
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Les effets des rapports trimestriels sur la prise de décision
De nombreuses entreprises américaines s’inscrivent dans des cycles d’investissement qui se prolongent sur plusieurs années. Les investisseurs ont donc tendance à évaluer les actions en tenant compte d’horizons de bénéfices qui dépassent largement le trimestre. Dans ce cadre, modifier la fréquence des rapports pourrait avoir peu d’impact sur le comportement des dirigeants, qui demeureront soumis à des pressions à court terme, notamment en raison des structures de rémunération qui leur sont applicables.
Les incitations à court terme et la culture d’entreprise
Des personnalités influentes du monde des affaires, telles que Warren Buffett et Jamie Dimon, ont exprimé leurs inquiétudes face à la culture de la myopie d’entreprise. Une étude de 2004 a révélé que près de la moitié des dirigeants financiers étaient prêts à abandonner des projets à valeur actuelle nette positive afin de ne pas décevoir lors des annonces de résultats trimestriels. Cela soulève la question de savoir si l’éventuelle suppression des rapports trimestriels pourrait réellement atténuer cette myopie.
Conséquences de la réduction des rapports financiers
Une analyse des données démontre que la diminution de la fréquence des rapports financiers ne semble pas avoir conduit à une augmentation des investissements à long terme. Par exemple, suite à l’élimination des rapports trimestriels obligatoires au Royaume-Uni en 2014, les entreprises n’ont pas vu leurs dépenses en capital ou en recherche et développement augmenter, ce qui contredit l’idée que les résultats trimestriels incitent à des décisions de gestion myopes.
Le rôle des investisseurs à long terme
Certains experts avancent que la présence d’investisseurs orientés vers le long terme pourrait diminuer la pression à court terme exercée sur les entreprises. Pour attirer ces investisseurs, les entreprises pourraient envisager de réduire leurs prévisions à court terme et de se concentrer sur des projections à long terme. Cette démarche pourrait instaurer un cycle vertueux, incitant les entreprises à investir dans des projets générant de la valeur sur le long terme.
Cependant, une étude de 2016 a montré qu’il n’existait pas de différence significative en termes d’investissements à long terme entre les entreprises fournissant des prévisions à long terme et celles se limitant à des prévisions à court terme. Cela soulève des interrogations quant à l’influence réelle des pratiques de divulgation sur les horizons de gestion.
La définition de l’horizon à long terme
Il est impératif de clarifier ce que l’on entend par horizon à long terme dans le cadre d’une stratégie d’entreprise. Si l’on réduit la fréquence des rapports, par exemple, en passant de trimestriels à semestriels, cela aura-t-il un impact tangible sur la prise de décision des dirigeants ? Pour évaluer cette question, une méthode consiste à examiner les périodes de retour sur investissement, en utilisant la rentabilité des investissements en capital (ROIC) comme indicateur.
Mon analyse des entreprises américaines cotées révèle que le délai moyen de récupération des investissements est d’environ cinq ans. Ainsi, un changement de trois mois dans la fréquence des rapports pourrait ne pas suffire à modifier le comportement des gestionnaires, qui doivent toujours faire face à la nécessité de maintenir une performance solide à court terme.
Les rapports trimestriels ne sont donc pas le principal responsable de la myopie d’entreprise. D’autres solutions, comme l’allongement des cycles de rémunération des dirigeants, pourraient s’avérer plus efficaces pour aligner les incitations des gestionnaires sur la création de valeur à long terme. En fin de compte, il est essentiel d’aborder toute modification des rapports financiers avec précaution, compte tenu des compromis liés à la liquidité et à la transparence du marché.
